Qui n’a pas rêvé de trouver son alter-égo ? Ce double qui vous comprend au moindre regard, à la moindre inflexion de voix.
Ce double qui est toujours là et avec lequel vous pouvez presque tout partager ?
C’est ce que nous raconte Delphine de Vigan dans son roman « D’après une histoire vraie »,
un roman qui m’a particulièrement marqué comme vous pourrez le voir à ma prose.
La relation narrée va s’avérer toxique et néfaste. Plus que de vous la raconter elle va vous la faire vivre.
Elle va vous la faire vivre au point où vous ne saurez plus situer la vérité, c’est bien au-delà.
Elle se découpe en trois temps :
La séduction :
Moment où l’âme prédatrice vous approche.
Elle endort votre méfiance. Elle vous montre ce que vous avez envie de voir.
Elle s’incruste dans votre vie la plus intime par tous les moyens, c’est à la limite du harcèlement.
Vous sentez quelques dissonances, mais c’est votre alter-égo, la personne qui vous comprend le mieux, qui sait tout de vous sans que vous ne disiez rien de vous.
Vous faites taire vos doutes. Ils sont absurdes.
Vous la trouvez tellement lumineuse et vous si fade. Vous êtes attiré comme le papillion par la lumière.
Dépression :
L’emprise est là totale. Cette personne se met alors à vous infantilisé.
Vous devenez moins que rien, et même cela c’est trop. Elle vous vole votre personnalité,
vous fait croire que sa surface lisse est bien plus brillante que vous, pauvre chose idiote.
Même les rares compliments dont elle vous fait l’honneur sont destinés à vous rabaisser.
Petit à petit, elle ronge les liens qui vous unissent à vos proches veillant à ce que vous cessiez d’exister et prendre votre place ,votre substance.
Vous continuez à noter des incohérences plus fortes , mais vous n’osez rien dire.
Vous n’arrivez pas à cerner ce qu’il cloche. Le problème vient surement de vous, malgré vos révoltes, vous en êtes sûr.
Cette personne sait mieux que vous. Elle transforme les morceaux d’une vérité temporaire, en une vérité absolue.
La trahison :
Le masque tombe. Cette personne ne laisse plus aucun doute sur ce qu’elle pense de vous.
Pour elle, vous n’êtes qu’un jouet qu’elle use jusqu’au bout.
Quand elle ne pourra plus rien faire de vous, elle vous jettera dans un coin, sans ménagement, et gardera un œil sur vous, vous rappelant son omniprésence de temps à autre.
Petit à petit vous commencerez à voir au travers de la trame de sa toile qui devient de plus en plus lâche. Petit à petit, vous essayerez de lutter de résister. Cela ne lui conviendra pas et deviendra de plus en plus incontrôlable, quitte à provoquer un drame.
Une fois que vous serez en sécurité, relative, vous pourrez commencer à dénouer les nœuds des intrigues solidement nouées par cet autre toxique.
Jusqu’au bout, vous hésitez entre la fiction et le réel. Delphine de Vigan évoque des faits concrets comme des lettres anonymes,
de personnes particulièrement intelligentes et courageuses sans doute, puisque ces écrits contiennent toutes les frustrations des pleurnichards qui ont choisi
de vivre comme des loques en enviant ceux qui réussissent (peu importe le niveau de réussite).
Mais la fameuse « L » s’est construite une vie fictive sur à base de ses lectures à elle, Delphine de Vigan.
Personne ne semble jamais l’avoir aperçu. Jusqu’au bout, elle nous promène dans la confusion mentale de cette relation toxique.
Qu’est-ce qui est vrai ? Par moment la fameuse « L » m’a fait penser à Laure de « jour sans faim » mais Laure c’est Lou Delvig,
et Lou Delvig c’est le pseudonyme que Delphine de Vigan s’est choisi pour ce premier roman.
Est-ce la métaphore de ses propres angoisses ou est-ce que L. était renseignée et parfaitement organisée au point de mettre en place ce plan sadique.
A la fin du roman, la question de la part de vérité du roman est abordée.
Est-il nécessaire que le roman soit autobiographique ou doit-il seulement avoir des effets du réel ?
Certains sont persuadés que tout doit être vrai dans une autobiographie ou une biographie et que ça l’air forcément.
Pourtant nous avons des exemples en littératures qui prouvent le contraire :
Jean-Jacques Rousseau dans ses « Confessions » travesti la vérité.
Pour la connaître, il faut la deviner la lire entre les lignes.
Je me souviens qu’en 1ere, lors d’un cours d’initiation à la philosophie, le professeur nous avait expliqué que Sartre,
il me semble, avait entièrement inventé son autobiographie, c’est la question de la sincérité.
En littérature sur les pirates, il existe un ouvrage de référence écrit par un certain Capitaine Jonhson.
Tous les travaux des historiens se sont basés dessus pour élaborer l’histoire de la piraterie.
Au cours du 20ème siècle, ce texte a été authentifié comme étant d’un journaliste et historien surtout réputé pour être un affabulateur : Daniel Defoe.
Cependant on continue à utiliser ce document.
Il rend compte tout simplement de l’époque même s’il y a des doutes sur l’exactitudes des faits,
il met en exergue la société et le contexte de la piraterie (niveau culturel des capitaines, raisons du choix conditions de vie…).
Finalement, pour moi c’est ce qui compte, il témoigne de quelque chose de particulier, il laisse une trace.
Comme le premier roman c’est une écriture forte qui m’a bousculée elle ne triche pas avec les épreuves de la vie.
Attention, si vous ouvrez ce livre, vous ne pourrez plus le refermer.
Je sais aussi que je ne pourrai pas le lire une deuxième, fois, sans pour autant pouvoir m’en séparer.
Si j’avais su précisément le thème abordé, pour des raisons personnelles,
je ne l’aurai pas ouvert, j’aurai renoncé, comme beaucoup d’anorexique ont été incapables de finir « Jour sans faim »
à l’époque de sa sortie tant l’écriture est forte.
Heureusement, le fil de discussion où j’ai évoqué le livre, nous avions seulement discuté sur la force d’écriture.
Et je ne le regrette pas. Je remercie la bloggeuse Crocbooks (noble demoiselle) d’avoir évoqué
Delphine de Vigan sur sa page et d’avoir suscité ma curiosité.
Ce livre, par sa construction, a le mérite de faire mentir tous ces esprits bien-pensants qui expliquent avec à-propos
que si on se retrouve dans ce genre de relation c’est qu’on le mérite parce que cherche à se punir,
et que notre bourreau est une pauvre victime qui mérite la compassion. Mais ce punir de quoi ? Etre coupable de quoi ?
De vouloir être heureux ? De vouloir partager avec autrui ? J’avoue que je ne comprends toujours pas en quoi les proies de ces relations sont coupables
ou devraient se sentir coupables. Il est très facile de réciter des morceaux de traités de psychologie pour se dédouaner,
mais vivre cette situation en êtes-vous capable ?
Comme vous le constater ce livre m’a passionné et je vous convie à le lire.
Il est profondément humain et accompagné d’une note d’espoir. On peut se sortir d’une relation toxique.
Tout n’est pas écrit d’avance. Contrairement à une pure fiction, il ne vous mentira pas sur la réalité. Ce sera dur, mais ça en vaut la peine.
Bonne lecture personnelle