Une chose essentielle m'a plu dans la plume de cette romancière:
Elle est directe est sans concessions.
Peu importe le temps de narration qu'elle emploi, elle m'a emmené dans des contrés qu'elle seule connaît. On se laisse porter par ses mots.
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Elle s'appelait Sarah
Quand on lit le titre de ce livre, on pense immédiatement à un témoignage, à une histoire vécue.
Cela pourrait l’être, mais pas du tout : c’est une fiction, une belle fiction qui prend aux tripes. 16 juillet 1942, un appartement parisien. Des coups contre la porte.
La police française. Une femme arrêtée avec sa fille. Naïve, elle cache son petit frère apeuré dans un placard, pensant pouvoir venir le délivrer plus tard.
Leur crime ? Être juifs. Le père se cache. Ils ont été dénoncés par celle qu’ils pensaient être une amie.
Il se livre de lui-même pour sauver sa famille. Malheureusement, les autorités ont décidées d’être plus royalistes que le roi…
On les emmène tous au vélodrome d’Hiver avant de les déporter. On ne leur donne aucune explication.
On les traite comme des animaux. Ils perdent déjà leur humanité.
L’enfant pourra se sauver, grâce à un jeune policier perplexe face à la situation, elle survivra grâce à un couple aimant. Mai 2002, le même immeuble. Une famille parisienne vient constater les travaux à faire dans le même appartement.
La femme est américaine. Son mari, une vieille famille française qui possède le logement depuis cette période trouble.
Une culpabilité qui ronge la famille depuis et qui cultive la puissance du secret inavoué et inavouable qui gangrène une vie saine.
Elle travaille pour un journal à destination de ses concitoyens vivant en France. Elle va devoir couvrir le drame de la rafle du Vel d’Hiv.
Elle découvre avec horreur que les français ne connaissent rien de cette partie de l’histoire au nom du devoir de Culpabilité :
on ferme les yeux dessus pour que cela n’ait pas existé et on accuse l’autre de toutes les horreurs commises.
Elle va alors retracer l’histoire de cette petite Sarah face à la bêtise humaine et qui ne s’est jamais remise du cauchemar vécu.
L’histoire est racontée simplement, sans diabolisation des uns ou des autres.
Quand on évoque les horreurs de la seconde guerre dans un roman, je suis toujours un peu méfiante.
Il est toujours question du même schéma : les vilains Allemands qui tuent tout le monde (alors que c’étaient des nazies et qu’il y a eu des résistants parmi les Allemands),
face aux pauvres petits Français sans défense qui auraient dénoncé uniquement pour préserver leurs familles.
Très peu donnent une autre vision. J’en suis venu à rejeter ces romans tellement passéistes.
Je ne suis pourtant pas insensible : Le mémorial des enfants d’Izieu m’a chamboulé en 3ème, « Combien d’enfants » de Nadine Trintignant,
m’a ému en 1ère et m’a poussé à m’interroger, l’horreur de « si c’est un homme » de Primo Levi m’a bouleversé en Terminale pour l’épreuve de lettres.
Mais au milieu de tout ce bruit au nom du devoir de Mémoire, quelque chose sonnait faux.
Quand « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » est sorti, je me suis un peu réconciliée avec le genre.
Mais il m’a fallu plus de temps pour pouvoir lire « Elle s’appelait Sarah » et je ne le regrette pas.
J’ai pu lire avec tout le recul nécessaire et comprendre ce drame et
la culpabilité qui a rongé certains de ne pas avoir réagi et d’avoir détourné le regard comme pour un enfant ou un adulte battu,
d’avoir cru ce qu’on les illusions qu’on leur donnait à voir. Cela n’excuse rien, mais ça explique.
Pas de sentimentalisme pleurnichant, pas d’accusations, des faits, de belles émotions.
La réalité en face.
Manderley For Ever
Imaginez ! Vous avez eu la chance d’échanger quelques mots avec l’auteur du livre à une séance de dédicace.
Immédiatement, ce qui vous frappe c’est la chaleur mise dans la voix et le pétillement dans les yeux quand
le thème principal est évoqué. Vous comprenez que l’histoire sur Daphné du Maurier a été écrite avec passion.
C’est alors dans cet état d’esprit que j’ai commencé ma lecture.
Je me dois cependant de vous avertir. Si vous êtes un puriste de la littérature, incapable de supporter la moindre évolution rédactionnelle
(un réac’ en fait), abstenez-vous ! Votre sensibilité serait mise à mal. Le texte est écrit au présent, premier sacrilège fait à l’immuable temple de la bienséance
linguistique mais qui nous permet réellement de voyager à travers les mots.
Les phrases sont courtes, deuxième sacrilège qui a pour conséquence de ne pas nous faire oublier le début, sauf quand l’album photo de
Lady du Maurier traîne ne plein milieu.
Et le dernier sacrilège, l’auteur mêle quelques souvenirs personnels de sa recherche à l’histoire en elle-même.
Cela convie à une légère gymnastique cérébrale et met en exergue un véritable voyage dans le temps.
Ce n’est certainement pas une fiction. Mais peut-on réellement parler de biographie ou de témoignage ?
C’est une biographie romanesque, je dirais. A travers un seul récit, Tatiana de Rosnay nous raconte plusieurs histoires.
Il se déroule comme un roman.
Il y a, bien sûr, celle de Daphné du Maurier à laquelle elle voue une grande admiration
( Je n’utilise pas les termes « fan » et « idole » volontairement car ils sont péjoratif à mon sens )
et dont la mère a évoqué à mon imaginaire délirant celle de Wendy qui retient son baisé sur le bout des lèvres.
J’ai adoré la créativité lexicale dont les du Maurier font preuve.
Ensuite, nous assistons à la naissance du roman qui aura eu un fort retentissement médiatique :
Rébecca. Nous y apprenons que la romancière anglaise aura beaucoup souffert de la comparaison avec les sœurs Brontë, qu’elle admirait pourtant.
Dans la première moitié de l’ouvrage, nous faisons connaissance avec les personnes qui vont inspirer l’histoire.
L’idée de romance que je m’en étais faite à l’âge de 15 ans a été largement mise à mal.
Il faut dire que je l’avais lu surtout pour faire plaisir à une amie, inconditionnelle du réalisateur Hitchcock.
Dans la seconde partie, nous apprenons à quel point ce succès l’a hanté et est progressivement devenu une malédiction.
Puis, nous lisons la naissance de l’écrivain.
C’est le témoignage de la volonté de vouloir écrire, de la capacité à avoir des idées et de la possibilité de les mettre en œuvre sur le papier.
Il ne s’agit pas seulement de se contenter d’écrire, d’aligner des mots et des phrases,
comme certains esprits bien-pensant cherchent à le faire croire, mais d’un véritable travail sur soi, ses émotions,
ses interdits et de recherches documentaires pour être crédible. Comme nos écrivains contemporains et certainement d’autres antérieurs,
elle aura été l’objet de vives critiques et maintenant elle fait partie des écrivains incontournables.
Elle fait certainement partie de ceux qui ont révolutionné la manière d’écrire et de raconter.
Je n’imagine pas un seul instant (ou très difficilement) Jane Austen ou les sœurs Brontë aborder des thèmes aussi « subversifs » à la manière de Daphné du Maurier.
Elles appartenaient à une époque aux APPARENCES encore très prudes où il fallait manier avec habileté le langage pour représenter les vices humains ou être un homme.
En conclusion, c’est un livre bien documenté.
Quelques petits malins trouveront bien sûr moyen de dire qu’il n’y a que des approximations et tout le reste
(ils le font bien pour des fictions alors pour des faits réels…), mais cela m’est bien égal.
Plus qu’un documentaire sur l’un des plus grands auteurs du XXème siècle, c’est un parcours d’un auteur vers un autre, une forme d’hommage,
et un témoignage du travail que chaque écrivain (romancier, historien…) fourni pour créer l’ouvrage qui atterrit entre nos mains.
Et il rappelle que l’écrivain ne maîtrise pas toujours les élans marketing de son éditeur, comme en témoignent les rapports de Daphné du Maurier avec ses éditeurs.
Un écrivain vivant qui a du succès attire les jalousies et les critiques virulentes, peu importe ses réactions personnelles ; une fois mort,
il devient un génie révolutionnaire de l’écriture, presque un dieu.
J’apprends que les premières traductions de Rebecca ont été tronquées.
Sans doute, à cause des règles de bienséance de la langue. Une occasion de le lire en V-O peut-être.
Quoiqu’il en soit, n’hésitez pas à l’ouvrir, vous découvrirez une facette de Daphné du Maurier en toute simplicité.
Moka Lu en août 2016
J’ai ri, j’ai pleuré, je me suis révolté. Toutes mes émotions ont explosé dans ma lecture qui fut un coup de foudre.
Cette histoire est très émouvante : celle d’une mère qui va tout faire pour retrouver le chauffard qui a renversé son fils, le plongeant dans un coma de plusieurs longs jours. En s’acharnant dans cette quête de la vérité, elle va mettre en péril son couple, sa famille, sa vie professionnelle… Tatiana de Rosnay nous livre une belle histoire d’amour qui prend le temps de se construire dans la réalité. J’ai eu envie de m’identifier aux personnages, de les accompagner. Qu’aurai-je fait à leur place ?
On ne tombe pas dans l’écueil de l’apitoiement, ou du sentimentalisme à l’excès, qui me font fuir les actuels premiers romans tant on utilise ces recettes comme thème prédominant alors qu’ils devraient être secondaires. On peut réellement se sentir proche d’eux sans ce sentiment de culpabilité qui peut nous saisir face à ses héros si parfaits qu’ils ne sont pas humains au final. Un roman ancré dans la réalité qui nous arrive droit dans le cœur.